#5 - Le deuil
- Prop
- 13 oct.
- 3 min de lecture

Ça arrive sans heurts. On ne s'y attend pas. Un jour, quelque chose change, et l'air devient soudain plus lourd.
J'avais cinq ans et je vivais en Amérique du Sud. Notre berger allemand, Rocky, a été mon premier meilleur ami. Il dormait à côté de mon lit, me suivait partout, me procurait un sentiment de sécurité et d'estime. Quand nous avons déménagé, nous avons dû le laisser derrière nous. Mes parents ont dit qu'une autre famille s'occuperait de lui, comme si… Je me souviens l'avoir serré dans mes bras, avoir pressé mon visage contre sa fourrure, essayant de mémoriser son odeur. C'était la première fois que je ressentais ce silence qui fait mal.
Je n'avais pas de mots pour l'exprimer à ce moment-là. Je savais seulement que quelque chose de bon avait disparu et ne reviendrait pas.
Des années plus tard, peu après avoir obtenu mon diplôme universitaire, j'ai perdu mon emploi. J'avais vingt et un ans, encore assez jeune pour croire que le temps était infini. J'ai donc pris un emploi de chauffeur, avec de longues heures de travail et un salaire conséquent, j'ai économisé ce que je pouvais et j'ai utilisé cet argent pour obtenir un autre diplôme. Perdre mon premier emploi m'a fait mal, mais ne m'a pas laissé de cicatrices. Le deuil, à l'époque, était une lumière. Il m'accompagnait, mais, heureusement, ne m'a pas envahi.
Quinze ans plus tard, c'était différent. J'avais trente-cinq ans, j'étais marié, père d'un autre enfant. Puis la crise financière asiatique a frappé, et soudain, l'air s'est raréfié. La même perte, mais beaucoup plus lourde. Quand on se soucie des autres, le deuil est lourd. Je me souviens avoir regardé mon fils dormir, ma femme attendre notre deuxième enfant, me demandant combien de temps nous pourrions tenir le coup. Le même monde, mais une gravité différente.
Le deuil ne suit jamais de schéma précis. Il n'est pas assez poli pour les étapes. Parfois, il est présent, parfois il est ennuyeux. D'autres fois, il vous réveille à 3 heures du matin sans raison.
Des années plus tard, j'ai rencontré un couple lors d'un voyage à moto. Ils venaient d'Angleterre et parcouraient le monde à moto. La femme souffrait d'un cancer en stade quatre. Il lui restait un an à vivre, peut-être moins. Je leur ai dit combien j'admirais leur résilience et leur force. Son mari a dit : « Ce n'est pas du courage. C'est juste de l'acceptation. » Cette pensée me taraude encore aujourd'hui. Ils ont utilisé leur chagrin comme carburant. Ils ne l'ont pas combattu. Ils l'ont intégré aux jours qui leur restaient.
C'est alors que j'ai appris que le deuil cherche un sens. C'est son travail silencieux. Quand un être cher nous quitte, il laisse un vide qui nous pousse à nous demander pourquoi. Certains le comblent par le travail, d'autres par les voyages, d'autres par le bruit. L'astuce, du moins pour moi, était de ne pas le combler trop vite. De m'attarder un peu sur ce vide.
Quand je vois d'autres personnes en deuil, je sais maintenant qu'il ne faut pas chercher de réponses. Je ne prétends jamais avoir la moindre compréhension, mais je comprends que l'empathie n'exige pas cela. Nous ne sommes pas faits pour nous guérir les uns les autres, seulement pour être suffisamment proches pour que le silence ne résonne plus.
Si je pouvais parler à mon jeune moi – ce garçon de cinq ans, ce jeune homme, ce jeune père – je lui dirais que le deuil ne s'arrête pas. Il change simplement de forme. Il devient plus calme, plus sage, moins violent, mais il ne disparaît jamais complètement. C'est peut-être ainsi que les choses doivent être. La forme de ce que nous avons aimé devrait laisser une ombre.
Le deuil n'est pas notre ennemi. Au contraire, il est l'affirmation d'un attachement réconfortant, d'une affection, d'un temps partagé. Il fait mal parce qu'il a compté. Et avec le temps, il nous apprend que rien ne dure, mais que tout laisse quelque chose derrière lui.
C'est la partie qui vaut la peine d'être crue.
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Si cela vous rappelle quelque chose, vous n'êtes pas seul. En Australie, vous pouvez joindre Lifeline 24h/24 et 7j/7 au 13 11 14.
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